bulletin lambda 3.03

7 mai 1997


Tentations de censures, responsabilités des FAI et autorégulation

XS4ALL, les soldats européens du combat pour la libre expression
ENTRETIEN avec l'un des fondateurs

Autorégulation en France: le syndrome du BVP
AOL-UK sort son gros sécateur


xs4all


LES SOLDATS EUROPÉENS POUR LA LIBRE EXPRESSION

 

Cela fait plusieurs années que le provider néerlandais XS4ALL fait parler de lui pour les brêches qu'il parvient à ouvrir dans le domaine de la liberté d'expression. En 1995, l'hébergement d'un site dénonçant les pratiques de l'église de Scientlogie avait déjà mis la société sous les feux du combat pour la liberté de parler.

Selon leurs fondateurs, héberger un site web n'engage pas le prestataire technique. "Ce que vous dites sur votre site web a autant à voir avec la liberté d'expression que ce que vous dites dans la rue. On peut nettoyer les rues sans interdire aux gens de parler", nous a déclaré Rop Gonggrijp, un des fondateurs de XS4ALL, lors d'un entretien à Amsterdam début avril.

Cette philosophie a été à nouveau mise à l'épreuve pendant une semaine, à partir du 11 avril, lorsque le DFN (le Renater allemand), répondait à une injonction de ses autorités judiciaires, en fermant l'accès aux sites web répondant au domaine xs4all.nl, bloquant les 6200 sites privés du prestataires. Raison invoquée : la présence sur XS4ALL de la version en ligne de Radikal, journal d'extrême gauche interdit en Allemagne pour "incitation au terrorisme" (un de ses numéros contenait un "manuel décrivant les attaques possibles contre les voies ferrées où devait circuler un convoi de déchets nucléaire vers Gorbelen", a résumé le DFN). Mais le 19 avril, le chef du réseau académique allemand s'est résigné à lever la mesure, arguant de "l'impossibilité d'un blocage effectif", vu la présence de 40 sites-mirroirs dans le monde.

La mesure avait des répercutions sur l'activité des chercheurs (500.000 utilisateurs du DFN), puisque certains sites d'archéologie étaient hébergées chez XS4ALL. Des plaintes ont aussi mis l'accent sur le blocage discriminatoire du site web de la radio serbe pro-démocratique B92, installé en "exil" sur les machines du provider d'Amsterdam. En septembre 96, de nombreux prestataires allemands s'étaient cassé les dents sur ce blocage impossible.


FRANCE
LE SYNDROME DU BVP

 

Le BVP, c'est le bureau de vérification de la publicité. Un organisme professionnel qui tranche sur le caractère trompeur, osé ou tendancieux d'une publicité - c'est un organe consultatif, certes, mais un annonceur s'y conforme collégialement, pour rester membre du club.

L'exemple du BVP est revenu souvent dans la bouche de quelques professionnels de l'Internet, dans les discussions qui ont suivi la remise de la Charte de l'Internet par la Commission Beaussant. Le BVP des réseaux en ligne, ce pourrait être ce Conseil de l'Internet dont parle la Charte, comme organe d'autorégulation, dont ont parlé le 24 avril, dans une grande salle du ministère des télécoms, avenur de Ségur, une quarantaine de représentants - quelques membres d'associations d'utilisateurs, des juristes, des pros de la télématique comme industriels du service en ligne (Infonie, Grolier, Microsoft, FTélécom), l'ISOC, Beaussant, ... mais pas grand monde côté fournisseurs d'accès, comme Calvacom, Oléane, IWay ou FranceNet (AFPI) ait boudé les premiers travaux de la commission Beaussant, réclamant un statut règlementaire pour les déresponsabiliser.

Début mai, un communiqué signé Michel Vaillant, un juriste respecté par toutes les parties qui présidait la réunion du 24, annonçait la création prochaine d'un "observatoire" de réflexion, et d'une instance de régulation, dont personne n'ose encore appeler "conseil" (le président de l'ISOC-France, Bruno Oudet, a pris en main un groupe de travail). Les statuts de cet organe sont prévus d'être votés en juin.

Les "industriels" du secteur, le 24 avril, sont apparus pressés de voter ces statuts - certains ont réclamé un "pouvoir de sanction" - la représentante de l'UNAF, qui dit parler au nom de "centaines de milliers de familles" (sic), a osé prononcer "censure". Antoine Beaussant a demandé plus de célérité, pour éviter d'autres aventures judiciaires à la WorldNet / FranceNet de mai 1996.

A noter surtout la scission claire et nette entre l'ISOC-France et les vilains petits canards AUI et Citadel, les deux groupes d'usagers unis contre les risques de tendance BVP du futur conseil. Il serait en effet gênant que l'on traite du caractère licite ou non d'un propos jugé injurieux ou diffamatoire comme on juge du caractère osé d'un message commercial. L'AUI croit savoir que, "sous couvert d'acceptation d'un mécanisme de médiation et d'un observatoire dont les fonctions resteraient purement symboliques, cette alliance entend bien doter ce futur conseil d'un réel pouvoir de sanction et de censure". "Les membres de cette alliance s'étaient rencontrés la veille en présence de représentants du ministère délégué aux télécommunications. (...) L'AUI s'interroge sur ces manoeuvres. Les utilisateurs ne peuvent accepter d'être mis devant le fait accompli. L'AUI s'en tient aux engagements de M. Fillon, qui a lui affirmé le 2 avril qu'il n'y avait pas d'un côté un travail "sérieux" qui se ferait en sous-main, et d'un autre côté un débat public pour "amuser la galerie". "

Suivez le débat en ligne et les comptes-rendus des associations

Pour faire le point sur les dispositifs légaux en Europe en matière de régulation du contenu, lire le compte-rendu de l'AUI d'une réunion, à Bruxelles, le 7 mars dernier.

 


 

AOL-UK SORT SON GROS SÉCATEUR

 

La filiale britannique de AOL ne fait pas de détails en matière de responsabilité pénale. Désolé de mon ignorance en droit britannique, mais la lecture brute de ces "Conditions of Services", le contrat d'adhésion entre AOL et le futur abonné, fait plutot froid dans le dos -- il sera applicable à partir du 17 mai. Diffusé grâce au groupe Cyber-Rights & Cyber-Liberties -- repris récemment par Citadel.

Exemples :

Il est recommandé de ne pas

*Le lien serait donc le lien hypertexte, ce qui condamnerait n'importe qui pour une simple ligne de programme, pour des histoires de copyright ou de documents "offensants" aux yeux des seuls responsables d'AOL. D'ailleurs:

Un autre chapitre surréaliste prévient les abonnés britanniques qu'ils devront se conformer à toutes les lois sur le contrôle de produits à l'exportation, y compris celle visant les Etats-Unis (ITAR) sur les produits de chiffrement. Et de s'engager à:

Bon, ben, ils iront ailleurs.

Pour des extraits plus complets en anglais: lire la version british du lambda



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