Big Brother Awards France


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Paris, 16 décembre 2000. (A droite, Simon Davies - Privacy International)

 

Le palmarès off

Aussi

>> N.bene >>

l'animateur du bulletin lambda Jerome Thorel est aussi un représentant français de Privacy International, créateur des BBA, et faisait partie du jury 2000, Kitetoa et Bug Brother ont aidé à monter certains de ces dossiers pour les soumettre ensuite au jury. CQFD.

 

 

Paris, 3 janvier 2001. -- La Cnil l'a échappé belle. La Commission nationale de l'informatique et des libertés a manqué de peu la nomination aux derniers Big Brother Awards, remis le 16 décembre dernier à Paris.

BugBrother.org, Kitetoa.com et le Bulletin Lambda reviennent sur la 1ère édition des French BBA en publiant la liste de candidats "off", dans lequel figure donc la Cnil, la ville de Lyon, l'Insee, et aussi une poignée d'associations comme la Licra et l'Uejf pour leur zèle à réclamer des passeports d'identité pour les internautes...

Avant de rendre son verdict du 16 décembre - voir le palmarès 2000 -, le jury des BBA a en effet décidé de cautionner un certain nombre de dossiers, mais pas tous. Pour des raisons pratiques et d'égalité de traitement, les candidats non présélectionnés par le jury (ceux présents dans une 'short-list' rendue publique le 11 décembre) n'ont pas été publiés sur le site officiel. Ces dossiers valent pourtant le détour, les pièces à charge étant des faits connus ou avérés. Généralement c'est la finalité politique de la nomination qui n'a pas été jugée assez pertinente, et même parfois jugée déplacée.

La Cnil, par exemple, peut avoir des choses à se reprocher (une apathie ou lenteur dans certains cas ou dossiers) mais elle a tout de même contribué à monter l'essentiel des dossiers à charge des gagnants des BBA 2000. D'où une fondamentale contradiction qui n'a pas encouragé le jury dans sa majorité à nommer la seule institution censée jouer les contre-pouvoirs... C'est d'ailleurs le même effet contreproductif qui a poussé le jury à écarter du palmarès une entité trop abstraite, le Parlement (nommée pour l'ensemble de son oeuvre).

Le dossier à charge soumis au jury reprochait à la Cnil, notamment, "son incapacité à utiliser avec pertinence tous les contre-pouvoirs que lui donne la loi pour protéger le citoyen contre la montée du fichage accru (contribuables, salariés ou assurés sociaux). Ou pour sa trop grande prudence à se déclarer publiquement contre certains projets sensibles."

A charge, les propres chiffres de la Commission: "Depuis 20 ans, la CNIL a reçu près de 33 000 plaintes, délivré 47 avertissements et 16 dénonciations au Parquet. Il convient de reconnaître que la CNIL a peu recouru à cette procédure, marquant ainsi sa préférence pour le dialogue et la concertation. Cette manière de faire est cependant parfois critiquée."

Et que "l'équivalent britannique de la CNIL (la DPC) a quant à elle instruit 145 dossiers l'an dernier (sur 4570 plaintes, la CNIL en ayant reçu pour sa part 3508 sur la même période), 130 d'entre-elles débouchant sur des condamnations."

La Commission n'a certes pas grand chose dans son arsenal repressif (dénonciation au parquet), mais elle l'utilise donc au compte-gouttes. Cela lui a même été reproché par un arrêt du Conseil d'Etat en date du 28/07/2000 (Affaire Ferrari, requérant n° 21 10 20).

"Cet arrêt, précise la fiche soumise aux BBA, censure une décision de la CNIL refusant de saisir le procureur de la République (en vertu de l'art. 21 de la Loi Informatique et Libertés) à la demande d'un intéressé qui se plaignait de l'existence d'un fichier de police illégal mentionnant le nom de toutes les personnes mises en cause dans les affaires pénales."

Le nom de ce "fichier de police illégal"? Mmm? Le Stic, le système de traitement des infractions épinglé ­ justement - par le jury dans la catégorie Administration.

La Cnil a également hésité, dans sa vieille histoire, sur des dossiers jugés trop "politiques", comme celui du fichier d'électeurs aux mentions illégales découvert en 1995 par la gauche lors du changement de majorité dans quelques mairies d'arrondissements à Paris. Un fichier impliquant le clan Dominati (UDF) proche du couple Chirac/Tiberi à l'époque. Ce fichier n'a pourtant pas fait l'objet de la moindre remontrance de la part de la Cnil, encore moins d'une plainte au parquet. Rappelons que parmi la vingtaine de commissaires, bon nombre sont députés ou sénateurs

Enfin, à décharge de la Commission, il est clair que l'essentiel des obstacles à son rôle de contre-pouvoir provient des députés ou du gouvernement. Exemple : l'amendement Brard (voté en novembre 1998) qui validait la connexion des fichiers sociaux et fiscaux a réhabilité le vieux projet Safari ­ projet des 70's dont la polémique avait conduit à créer la Cnil, précisemment. Hors l'un des rares cas où la Cnil ne peut pas s'autosaisir pour bloquer un projet liberticide, concerne précisemment un amendement parlementaire. Astuce juridique qui a court-circuité la Commission. D'autres griefs plus ou moins justifiés sont archivés ici:

http://www.bugbrother.com/bba/cnil.html

 

Autre candidat "politiquement incorrect", plutôt "des" candidats: les associations antiracistes Licra, Uejf et Mrap, mais aussi la Ligue des Droits de l'Homme (LDH)! Pourquoi? "Pour leur constante application à vouloir créer un statut d'exception pour l'internet allant dans le sens d'un contrôle et d'une surveillance accrus des internautes."Dans quelle catégorie? "Localités, parce que cette catégorie désigne ceux qui encouragent les projets d'aménagénagement de la cité visant à contrôler la libre circulation des individus. Or, les associations s'illustrent justement pour leur volonté de contrôler à un niveau "local" de l'internet : la France." Arguments plus ou moins bien présentés Dont acte.

Ces derniers temps, Licra, Mrap et Uejf se sont en effet illustré à attaquer des sites internet selon une logique somme toute morale et humaniste. Mais leurs solutions visent clairement à frontiériser le Net et à placer des passeports sur chaque browser. La LDH, quant à elle, n'a pas le même "passif" et s'est uniquement illustré dans le cadre de l'affaire Costes, cet artiste provocateur accusé de raciste. Son procès a débouché sur une jurisprudence dangereuse pour la liberté d'expression ­ fin de la prescription, le Net devenant un support de "publication continue" ­ mais ne mettant pas directement en cause l'intimité des citoyens, ce que veulent dénoncer les BBA.

En outre, il était presque stupide de nommer en bloc ces 4 institutions, surtout que la LDH a contribué à monter deux dossiers à charge qui ont été pris en considération par le jury : le Stic et le système Anaiss de la Cnam (catégorie Administration). D'où le sentiment largement majoritaire de rejetter ce dossier, comme étant dans son ensemble hors de propos par rapport à la finalité première des BBA: http://www.bugbrother.com/bba/assos.html

Liste complète des candidats "recalés":
http://www.bugbrother.com/bba/bba.html

 

Autres dossiers non validés + les primés

 

Administration

Statuettes BAA 2000 signées Navarro

Candidats le ministère de l'Intérieur (Stic), la direction du fisc et la Caisse d'assurance maladie

Seul recalé:

- L'Insee et son recensement 1999. Résumé: "Le fichage intense et intrusif de l'Insee lors du recensement 1999. Le sondé a été mal informé sur l'état de ses données nominatives, et comment elles peuvent être obtenues. Les fiches nominatives ont été conservées à discrétion des maires pendant plusieurs semaines, contrôles inexistants sur leur protection quant à une exploitation partisane du fichier."

 

Entreprises

Navarro 2000

Candidats France Télécom, Sagem-Morpho, Sonacotra.

Autres dossiers:

- SEMLEX, pour fournir des systèmes biométriques dont celui à un collège de Nice recalé en 2000 par la Cnil;

- CLARITAS, un pro des bases de données de consommateurs, pour avoir tenté de tromper les administrés lors du recensement 1999;

- et enfin SERVIER, laboratoire pharmaceutique épinglé par la Cnil (avis de mars 2000) pour ses pratiques barbouzardes dans le recrutement intrusif de ses collaborateurs.

 

Localités

Navarro 2000

Candidats ville de Vaulx en Velin et le Collège J. Rostand de Nice.

Autres dossiers:

- Ville de Lyon (vidéo-surveillance)

- Ville de Strasbourg (idem)

- L'union des HLM pour proner la "coveillance" (version délation de la vidéosurveillance)

- Associations antiracistes et surveilance du Net (lire plus haut).

 

Produits

Navarro 2000

Candidats le logiciel VSIS de l'Inria, les caméras de Thomson-CSF Sécurité.

Autres dossiers:

- Les censorware Webspy et Superscoot (surveillance de l'activité internet des salariés);

- WANADOO pour laisser délibérément une faille de sécurité dan sa messagerie Webmail;

- Mobile Track, un kit de surveillance du réseau GSM, vendu par AQSACOM, une société d'ingénierie télécom de la région parisienne, qui s'en vantait lors du dernier salon Milipol 1999.

 

Ensemble de son Oeuvre

Navarro 2000

Candidats le Parlement, l'Intérieur, la ville de Levallois-Perret, et réintroduits ensuite: France Télécom et Sagem Morpho.

Autres dossiers:

- La Cnil (lire plus haut).

 

Prix Voltaire

Navarro 2000

Collectif 'Souriez vous êtes filmés!'

Contact: svef@club-internet.fr

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Rappel du palmarès final des BBA France 2000, et motivation du jury pour primer tel candidat plutôt qu'un autre:

http://www.bigbrotherawards.eu.org/pourquoi/bba.html

 


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J. Thorel
janv 2001
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