En 1992, la société
américaine cherche à s'acheter une conduite et veut se payer
Budvar à la lumière de l'ouverture des pays du bloc de l'Est
et des "privatisations". AB décide, suite aux vagues de
privatisations qui secouent l'ex-bloc de l'est, d'engager des discussions
avec les responsables de Budvar. Les Américains veulent racheter
notre brasserie? Marriage ou annexion? se demandent-ils...
En visite sur place, en avril 1992, nous avions pu remarquer l'effervensence particulière de ce renouveau économique. C'était le temps des "vouchers", sortes de bons de souscription d'entreprises privées qui sentaient bons le capitalisme, sans être de réelles actions. Mais en République Tchèque, les privatisations avaient leurs règles : pas touche aux bijoux de famille. Des secteurs industriels ou artisanaux considérés comme stratégiques culturellement, comme les cristaux de Bohème, le tourisme... et la bière, évidemment!
Dommage pour AB,
qui voulait donc prendre une participation et à terme contrôler
la célèbre marque pour mieux l'annexer. Ils parlent à
l'époque de "rénover les outils de production",
et tout et tout. Pas dupe, les Tchèques connaissent le passif historique
des deux brasseries : plus d'un siècle de bataille juridique, de
procès, de partage de marché par "traité diplomatique",
de période de guerre froide, puis le dégel des années
90...
"Non, AB n'aura pas Budvar", disaient en choeur les locaux de Budejovice en 1992, les dents sorties et le doigt en avant. "Non, ils ont déjà usurpé le nom, ils veulent prendre une partie du capital et puis après, tout contrôler", répétaient les habitants.
A cette époque, AB faisait du vrai lobbying
à l'américaine : avant même d'avoir été
autorisé à prendre la moindre part dans la brasserie tchèque,
le groupe US finançait à tour de bras des écoles d'enseignement
supérieur, d'autres actions de bienfaisance ou autres fonds culturels.
AB jouait "l'intégration", pensait qu'en se "faisant
aimer", en répandant ses dollars à tour de bras, elle
obtiendrait gain de cause... Et bien non. Mais il faut avouer que le feu
rouge du gouvernement - ce fut tout de même un refus idéologique,
"les bijoux de famille", et non économique - a bien facilité
les choses pour écarter l'inopportun investisseur américain,
comme ce fut le cas pour la brasserie Plzen, non loin de là en Bohème,
que nous avions eu aussi l'occasion de visiter à l'époque.
Le patron de Budweiser Budvar, qui a réussi la transition vers le privé en 92/94, est encore en place: Jiri Bocek. C'est lui qui a décidé de lancer la 'Czechvar' aux USA en 2001.
+ 1/3 Bud War: histoire d'une
querelle centenaire
+ 2/3 1992: tentative d'OPA d'Anheuser-Bush sur Budvar, reportage d'avril 1992 (photos)
+ 3/3 Face à face: l'histoire vue par Budvar, et le discours officiel de Anheuser-Busch (anglais). "Wedding or Annexion", un article d'une révue économique tchèque de 1997, quelque années après la proposition d'Anheuser-Busch de racheter Budvar.
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lambda
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