(Anonyme, 1995.)

Embryon de guerilla planétaire

Première édition Automne 1995

Les fiers écolos de Greenpeace, revigorés depuis quelques mois, et surtout depuis la reprise effective des essais nucléaires français le 4 septembre, poursuivent leur guerre médiatique sur l'Internet. Sur le web, l'organisation écologiste a tissé sa toile : l'essentiel des bureaux nationaux ont ouvert leur page d'accueil, avec comme première accroche, la "campagne pour protester contre les essais français et chinois". La décentralisation est totale, mais c'est le site américain (alors que le siège international est à Amsterdam), qui mène la danse. Il y a sur la première page topute une liste de fichiers que l'on peut "télécharger" en cliquant simplement avec sa souris. Le luxe : une séquence vidéo de la récente campagne de Mururoa. Un luxe, puisque le fichier vidéo comprend plusieurs millions d'octets (Mo dans le langage habituel), ce qui prendra plus d'une heure pour pouvoir l'admirer, avec un modem moyen.

Cette caricature corsée de Jacques Chirac n'est pas signé Greenpeace. Mais se trouve dans le coin le plus intéressant de la page, à la dernière ligne, estampillée « Non-Greenpeace environmental home pages ». La liste hétéroclyte de sites web n'ont de commun que la croisade anti-nucléaire. Certains ont des positions assez extrèmes pour que l'organisation écologiste respectable, doit préciser : "Ces liens ci-dessous n'ont reçu en aucune manière l'aval de Greenpeace et Greenpeace décline toute responsabilité pour le contenu des informations".

Il y a, bien-sûr, l'essentiel des actions de boycott des produits français, action à laquelle a refusé de s'associer -- Greenpeace-France en tête, voulant rester dans son droit. Les internautes australiens et néozélandais se sont défoulés pour sortir des coalitions "anti-bomb", ou "No More Hiroshimas", des "CyberVote" et des "Web-petition" pour protester en ligne contre la reprise des essais. Des japonais en sont à plus de 55.000 signatures, il y a même la lettre-type, en français et en anglais, à imprimer et à envoyer au président Chirac -- on peut gager que l'Elysée aurait été mal inspiré d'ouvrir cet été une adresse électronique, comme c'est la mode chez tous les chefs d'États, car elle aurait été la cible d'engorgements volontaires ou semi-volontaire. Ensuite, les aficionados trouveront aussi une exposition d'images chocs, un petit musée des horreurs à la gloire du désastre nucléaire. Il n'est pas interdit de sourire : vous pouvez écouter, quasiment en direct, grâce au procédé d'écoute en ligne RealAudio, une chanson composée par des néo-zélandais, "Moruroa Song" -- reprenant le "nom originel de l'atoll, rebaptisé Mururoa par les colons français".

Bilan?

A la fin du mois d'octobre 1995, Greenpeace annoncait un total de 7 millions de signatures à sa pétition contre les essais. Signatures en "dur" qui furent rassemblées dans des sacs postaux pesant 2,5 tonnes. Les pétitions électroniques ont donné un côté "high tech" à la protestation, mais à la même époque elles n'avaient recceuilli pas plus de 100 000 noms. Cherchez l'erreur.

 

De la friture sur la ligne verte

Première édition Automne 1995

L'association Greenpeace-France est connectée depuis plusieurs années au système de courrier électronique interne -- Greenlink -- qui relie, via le téléphone, les principaux bureaux de l'organisation dans le monde. Chaque membre peut rentrer dans le système en composant son nom (login) et un mot de passe. Mais le jour même de l'explosion du premier essai français, le 4 septembre, Rémi Parmentier, le président du bureau de Paris, et Pénélope Komitès, la directrice, ont été surpris de voir que l'on avait tenté de pénétrer sur leur compte en utilisant leur login, apparemment sans succès.

"A chaque fois que je me connecte, nous confirme Rémi Parmentier, j'ai une fenêtre qui s'affiche et qui me donne la date de la dernière connexion. Ce jour-là, on m'indiquait qu'il y avait eu 5 "tentatives" de rentrer dans ma boite aux lettres. Chez Pénélope [la dg], on a essayé plus d'une vingtaine de fois. Ce système n'est que très faiblement sécurisé. A peu près n'importe qui, s'y connaissant un peu, peu s'amuser à essayer de rentrer dans Greenlink. Alors qui c'est? On a bien-sûr soupçonné les militaires : j'en ai parlé au directeur du SIRPA, sur un plateau de télé (mais hors antenne), il est devenu tout blanc... Mais faut avouer que ça peut être n'importe qui d'autre, quelqu'un en interne, un hacker inconnu ou même un journaliste." Un mois après l'incident, aucune tentative d'intrusion n'a été repéré rue des Petites Ecuries.

La solution serait de crypter les messages pour être sûr de ne pas être écouté. Rémi Parmentier n'y avait même pas pensé... Et ignorait d'ailleurs que l'Etat français pouvait interdire l'usage du chiffrement sur Greenlink, au moins dans la partie des tuyaux installés sur le territoire national.

(® 1995)


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Automne 1995
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