bulletin lambda 2.01

4 Février, 1996.


Ruban Bleu Join the Blue Ribbon Anti-Censorship Campaign!

Usenet indécent : l'AFPI se met à l'abri

Une association de fournisseurs d'accès vient de décider de bloquer la diffusion de 18 groupes de discussions pronant le révisionnisme ou à forte connotation porno, dont certains purement pédophiles. L'Association française des professionnels de l'Internet, qui revendique représenter "plus de 50% du marché" (Calvacom, Imaginet, Francenet, Internet-Way), a pris cette décision en réponse au "vide juridique" sur le statut légal d'un fournisseur, a indiqué le 26 janvier à Libération François Benveniste, patron de Calvacom et président de l'AFPI. Aucune précision sera donnée sur les noms des groupes de news censurés. Alors on cherche à en savoir plus. "C'est un acte de bon sens, mais surement pas une solution au vide juridique actuel", a précisé Benveniste. "La censure repose sur la notion de pouvoir, s'est-il justifié. Et nous n'en avons aucun : nos abonnés peuvent reconfigurer leur lecteur de news pour se connecter sur un autre serveur..."

L'Allemagne avait ouvert le feu en décembre, certes dans d'autres proportions. La décision précipitée de CompuServe de couper plus de 200 groupes, après des "recommendations" faites par le procureur de Bavière (lire bulletin 1.10), l'ensemble des abonnées mondiaux ont vu disparaitre tout ce qui avait du 'sex', 'gay' ou 'erotic', donc sans aucun rapport avec le but recherché : lutter contre la propagande pédophile. Récemment, le procureur de Mannheim a contraint le service T-Online de Deutsche Telekom (1 million d'abonnés) à bloquer toute connection avec une société d'hébergement de pages web de Santa Cruz. Motif : l'une des pages, parmi les 1500 autres, pronait des théories négationnistes sur l'Holocauste. Le Centre Simon Wiesenthal de Los Angeles avait déjà prié tous les fournisseurs de censurer tout accès à des sites pronant ces thèses révisionnistes. En France et en Allemagne, la propagande pour le révisionnisme et la pédophilie sont des activités illégales : loi Gayssot contre l'incitation à la haine raciale, et aux articles 224-23 et 224-24 du code pénal sur la protection des mineurs.

Au Royaume-Uni, des fournisseurs d'accès viennent de demander au gouvernement de clarifier leur statut légal quant au contenu des informations qu'ils relayent. Et aux Etats-Unis, la Communications Decency Act vient de passer haut la main au Congrès, le 2 février. Ce qui rend les fameux "relayeurs" d'info responsables de leur contenu (250.000$ et 2 ans de prison).

Selon un des avocats attitrés de France Télécom, c'est indéniable : les fournisseurs d'accès devront être un jour pénalement responsable de ce qu'ils diffusent. Mais comme en Allemagne, c'est loin d'être fait. Les fournisseurs n'ont jamais été (encore) considérés responsables du contenu des infos qu'ils font transiter dans leurs tuyaux. Benveniste : "Nous risquons tout de même d'être accusé de complicité en relayant des thèses illégales, alors nous avons fait en sorte d'éviter ce risque".

"Couper l'accès à des groupes néo-nazi ou pédophiles ne peut pas s'appeler de la censure, j'en conviens", réagit Yannis Delmas, porte-parole de l'association Gays & Lesbiennes branchés. "Mais la pédophilie devient facilement un prétexte pour s'attaquer à d'autres restrictions, par exemple en direction des homosexuels. Censure ou pas, quand on commence à mettre le doigt dans l'engrenage, on ne sait plus quand s'arrêter..."

Ethique responsable? Mesurette politiquement correct? Benveniste l'avoue : couper ne sert à rien pour l'utilisateur puisqu'il peut se connecter ailleurs. Si le fournisseur doit se dédouaner, alors quid es groupes "alt.drugs"? Ils tombent aussi sous le coup de la loi, non? Le serveur minitel du CIRC, dédié à l'information sur le cannabis, s'est fait décablé l'an dernier pour "incitation à l'usage de stupéfiants". Mais que fait l'AFPI? Ne craint-elle pas d'être accusée d'encourager les jeunes à la débauche? il y a des ethiques porteuses... Quant à laisser une partie de la responsabilité aux parents en encourageant des systèmes autonomes de filtrages et d'autocensure (comme NetShepherd), ce n'est pas encore au programme des festivités AFPIstes. François Benveniste ignorait tout simplement l'existence de ces outils. Jouer au Grand Frère, ça vous occupe un max...


Parler d'avortement devriendrait-il indécent?

Selon trois enquêtes récentes, l'approbation par le Congrès américain de la nouvelle loi sur les télécoms (la "Telco Act"), vient de réveiller des mesures visant à restreindre les "discussions" sur l'avortement.

Craig Johnson, modérateur de la liste "cyber-rights" de l'organisation CPSR, vient de publier trois inquiétants papiers écrits dans les coulisses du Capitol, qui révèlent l'esprit tordu de la CDA, la série d'amendements qui interdisent la diffusion de contenus "indécents". Une représentante (D) du Colorado, Pat Schroeder, a mis les pieds dans le plat en insinuant que "derrière la façace de la criminalisation de l'obscénité, la loi contient (...) des règles intolérables concernant l'expression sur l'avortement". La suite est un peu compliquée, mais en votant la Telco Act le Congrès a également modifié une série de petits textes, comme la section 1462 du titre 18 du Criminal Code américain (un peu comme notre code pénal?..). Cet article interdit toute propagande pour l'avortement, et le terme de "services informatiques interactifs" a été rajouté à la liste des supports de diffusion.

Pas de panique, juristes consciencieux : l'avortement est légal aux Etats-Unis, et en discuter n'est plus un crime. Quoique. Ce n'est plus un crime depuis l'affaire Roe contre Wade, jugée par la Cour Suprême en 1976 et qui rétablie le droit au "choix" -- allusion au camps Pro Choice -- et dépénalise l'IVG. D'ailleurs, dans le camps archi-majoritaire des députés favorables à la loi sur l'indécence, on s'est empressé de dire que ces mesures -- anticonstitutionnelles donc -- feraient l'objet d'une "modification technique".
Mais d'autres juristes près de leurs textes soulignent le contraire : Simon Heller, l'avocat d'un groupe Pro-Choice, affirme que cet extrait du code criminal n'a jamais été, en lui-même, invalidé par une cour. Pire encore : en votant le Jeudi 2 la Telco Act (et haut la main : 414/16 à la Chambre et 91/5 au Sénat), le Congrès a donné une nouvelle légitimité à ces mesures archaiques, qui ont d'ailleurs été appliquées la dernière fois en 1919. Conséquence : la Cour Suprême devra se prononcer à nouveau pour les invalider. Conséquence aussi : si un petit groupe facho porte plainte parce que tel site web ou tel groupe de news discute de la RU-486, ces services seront coupés jusqu'à la décision de la Cour Suprême. Et pendant plusieurs mois, en appliquant la loi, des milliers de services pourront être coupés dans l'allégresse générale. Et 90% des parlementaires américains ont voté ces dispositions. Ils n'ont pas relu, ça doit être surement ça.

Enquêtes originales :
Craig Johnson (The American Reporter, Wired), pourra vous faire suivre le message originel qui m'a mis la puce à l'oreille.
Todd Lappin (Wired) y a fait une étude détaillé destextes impliqués.
Cyber-Rights mailing list : listserv@cpsr.org, et "help" dans le sujet, ou "subsribe cyber-rights". Vous avez noté que l'EFF vient de lancer sa campagne Blue Ribbon contre la censure online. Certes, c'est une autre forme d'action politiquement correct...


La DISSI tombe à l'eau

Comme Liberation l'annoncait le 1er decembre (lire bulletin 1.08), la Délégation interministérielle chargée de la politique française en matière de cryptologie, la DISSI, a sombré corps et âme, discrètement, au cours du mois de janvier. Un coup de fil au 3 avenue Octave Gréard, l'hotel particulier de la Marine Nationale où était hébergé le siège de la DISSI, et un fonctionnaire nous apprend que la délégation est en cours de dissolution. "Le décret vient de passer, il est tout chaud", nous dit-on. Vérifications faites, il s'agit bien du décret n°9667 publié au JO du 30 janvier, intituté "Compétences du SGDN dans le domaine de la sécurité des systèmes d'information".
Exit, donc, Jacques Vincent-Carrefour, l'ex-chef de la DISSI. Qui a été écarté au profit de Jean Picq, le haut fonctionnaire à la tête du Secrétariat général pour la défense nationale. C'est donc le SGDN qui reprend la tutelle sur le SCSSI, le service qui instruit les demandes d'autorisation de chiffrement. Avec au programme, un allegement possible des procédures d'agrément pour de gros groupes industriels (on ne va tout de même pas mettre en péril notre intelligence économique), et surtout un accord européen sur le principe GAK -- 'govt access to keys' -- , des tiers de confiance pour gérer, à la place de l'Etat -- mais à son service -- les clés des gros coffre-forts électroniques.

Fichier(s) clandestin(s). Suite

Il y a des lois peut-être débiles, mais il y en a une que Microsoft n'a toujours pas respecté à ce jour : celle de 1978 sur l'informatique et les libertés. Pour une banale histoire de fichier d'abonnés, celui du réseau privé Microsoft Network, la grande boite inébranlable est hors-la-loi. Pour n'avoir pas déclaré à temps son fichier d'abonné, MSN n'aurait jamais du être autorisé à être vendu en France depuis son lancement le 24 aout 1995. Comme en octobre dernier (bulletin 1.02), fin janvier 1996 la CNIL n'avait toujours pas fourni à Microsoft-France le "récipissé" de déclaration qui donne le feu vert à tout "traitement d'information nominative".
Pour une boite privée, la peine prévue affiche jusqu'à 1,5 millions d'amende et 3 ans de taule. Daniel Duthil, le juriste titilleur qui avait alerté la CNIL l'an dernier, indique que c'est surement la même chose du côté de tous les fournisseurs, qui manipulent des données nominatives sans avoir obtenu leur récipissé de déclaration de fichier. Duthil a même déposé une demande individuelle pour "l'utilisation" de l'Internet, car il est "susceptible" de récolter de l'information personnelle et de créer des fichiers nominatifs. "La loi le prévoit. Alors dans l'absolue il faut le faire. Je ne cherche pas à crouler sous les procédures, mais je pense que ça peut inciter la CNIL à modifier ses méthodes de déclaration pour les adapter aux services en ligne."

Les "droits" du Netizen

Extrait d'un ouvrage auto-édité, The Netizen Handbook, consul able librement sur le net.
Dans son chapitre 13, on trouve cette "Declaration des Droits du Netizen" ;-). Tout ça est un peu plat, mais l'auteur, Michael Hauben, encourage les commentaires.
"Acces universel gratuit ou à un coût très modéré;
Liberté d'expression pour promouvoir l'échange et la connaissance sans crainte de représailles;
Liberté d'expression sans censure;
Acces libre à une large distribution;
Acces universel et égalitaire pour tous à la connaissance et à l'information;
L'idée de chacun reconnue selon ses mérites;
Accès non limité à la lecture, à la diffusion et à la contribution de chacun;
Egalité dans la qualité de la connection;
Egalité dans le temps de connection;
Aucun porte-parole officiel;
(...)
N'accepter aucun profit tirée d'une contribution d'autrui;
Protection de la cause publique à l'égard de ceux qui l'utiliserait à des fins pécunières;

Le Net n'est pas un service, c'est un droit. Il est valable seulement quant il est collectif et universel. (...)"
Inspiré notamment de : "Thomas Paine, Declaration of Independence (1776), Declaration of the Rights of Man and of the Citizen (1789), NSF Accep able Use Policy, Jean Jacques Rousseau, and the current cry for democracy worldwide."


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