bulletin lambda 2.04

11 mars 1996.


Les prestataires internet assignés en référé

Lire aussi la réaction de l'AUI.
Et le compte-rendu d'audience.

11 mars. -- "C'est un procès paradoxal. Même plutôt amical."

Alexandre Braun, un des dirigeants de l'Union des Etudiants Juifs de France signe d'une formule ce qui sera une grande première : les pricipaux fournisseurs d'accès à l'internet assignés en référé vendredi prochain 15 mars, au Tribunal de Grande Instance de Paris. M. Braun a confirmé l'information vendredi 8, elle sera annoncée officiellement aujourd'hui lundi 11.

Les termes de la comparution sont encore imprécis (en language de juriste, surtout que je n'en suis pas un), mais c'est la loi Gayssot réprimant les idées négationnistes qui a été retenue par l'UEJF. "Procès paradoxal", car, reconnait A. Braun, "je suis persuadé de leur bonne foi". "Mais il est scandaleux que l'Internet reste une zone de non droit, comme on nous le répète. Alors nous cherchons à définir la responsabilité juridique des fournisseurs", pour les ordonner de couper les serveurs négationnistes, et donc de faire appliquer la loi Gayssot.

L'objectif est donc de définir si les fournisseurs sont des complices (même de bonne foi) de thèses considérés comme des délits par le droit français. "Il est évident que l'on ne résoudra pas tout lors de cette audience, ajoute A. Braun, mais l'objectif est aussi de nommer un médiateur".

Le porte-parole de l'UEJF reconnait ne pas être tout à fait à même d'évaluer ce qu'est exactement l'Internet; et donc d'estimer si une solution technique serait possible à court-terme. Quant à lidée de choisir le dialogue avec les adeptes de la suprémacie blanche, non, "nous optons pour la censure, car on ne va pas les faire changer d'avis. Il ne faut pas fermer les yeux."

La position fut la même pour le Centre Simon Wiesenthal de Los Angeles il y a quelques semaines, quant il exorta les fournisseurs américains à tout faire pour bloquer les accès à des sites "pronant la haine". Ce qui avait été suivi d'une série de critiques, y compris venant du milieu libertaire et de défense des libertés civiles. Le 27 février, l'annonce de la création d'un groupe de nouvelles tendancieux (rec.music.white-power) a déclanché une vive opposition, nottamen tne France à travers le projet RIS (dont je ne connais pas l'issue). Dans ce cas, l'appel au vote -- procédure classique lors de la création d'un forum est un signe d'auto régulation.

L'audience du 15 mars devrait réjouir d'avance François Benveniste et ses acolytes de l'AFPI, le groupe de fournisseurs qui avait déjà décidé de ne plus relayer des groupes de usenet considérés comme "intolérables" (porno hard et haine raciale). Lui qui réclamait une loi pour régler le statut juridique de sa profession, voila qu'il aura l'occasion de plaider pour une jurisprudence devant le vice-président du TGI de Paris.

Pour ceux qui veulent préparer leur convocation, c'est simple. Il suffit de piocher dans le dernier "Que sais-je" : toutes les sociétés citées comme fournisseurs d'accè;s seront assignées, nous a tout simplement dit Alexandre Braun. Je n'ai pas ce bouquin sous les yeux, alors SVP, complétez la liste :

Audience prévue vendredi, à 14 heures.


Une réaction de l'A.U.I.

15 mars. -- En guise de prémices à l'audience d'aujourd'hui, l'AUI -- toute jeune assoc qui tente de répondre, c'est délicat, au nom des "utilisateurs" -- a pondu un communiqué posé.

Soulignant notamment: "La lutte contre le racisme est une préoccupation permanente, et l'AUI compte bien y participer le plus possible, en apportant moyens et connaissances techniques à toute association anti-raciste qui le désire.

"Pourtant l'action de l'UEJF, visiblement faite dans l'urgence et sans concertation, nous semble déplacée, voire dangereuse.

"Internet n'est pas une "zone de non-droit". Cette idée, largement diffusée, est fausse et dangereuse. Fausse parce que tout citoyen qui s'y exprime est unjusticiable comme les autres. Dangereuse parce qu'elle implique une censure a priori qui n'est, dans notre pays, imposée à aucun autre media."

A voir... Reste que l'UEJF a maintenu sa plainte et a donné rendez-vous à la presse à 13h30 au troquet du Palais de Justice. La procédure, il est vrai, n'aboutira surement pas, mais le porte-parole reste ancré dans son idée "d'obtenir une jurisprudence", et de faire appliquer la loi. Le référé semble une arme bien rodée du coté de l'UEFJ.

Un risque, selon l'AUI : que cela provoque "des remous médiatiques (...) qui feront à nouveau passer un outil de diffusion de la connaissance et de liberté publique (Internet) pour une infrastructure qui ne serait utilisée que par des neo-nazis, des pédophiles ou des pirates, ce qui est faux."

Y a-t-il une hiérarchie dans la censure? "La méconnaissance évidente de cet outil dans la plainte de l'UEJF est à ce titre exemplaire", poursuit le communiqué "Le mélange entre certains des media utilisant l'infrastructure d'Internet, tels que les forums de discussion ou le courrier électronique (qui peuvent être assimilés à un échange de correspondance et à son transport par la Poste), et le Web (qui est un service de mise à disposition publique de pages privées hébergées et mises en place sur les ordinateurs du fournisseur, qui à ce titre pourrait être considéré comme un éditeur) est constant et souligne l'intérêt d'une réflexion commune entre les utilisateurs et le législateur."

"L'AUI veut aider à combattre la propagande raciste et négationniste sur Internet et invite à ce titre toutes les organisations de lutte contre le racisme et l'antisémitisme à prendre contact avec elle pour réfléchir ensemble à la meilleure réponse à apporter à ces questions."

AUI: 40 Quai de Jemmapes, 75010 Paris.
Email: info-aui@fr.net

Pour les visiteurs, demain, il faudra se serrer. Huit représentants des sociétés assignées. Et quelques curieux. Pour une audience en cabinet (petite salle il parait) du vice-président Marcus, au TGI de Paris.


>> Lire immédiatement le compte-rendu d'audience.
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