bulletin lambda 2.13

30 décembre 1996


  • Abus de contrôle parental
  • Crypto Feuilleton: le pré-décret du SCSSI en exclusivité ; fuites à l'OCDE
  • Court-circuits: U2 victime de faux pirates et d'un vrai mensonge - La crise serbe en ligne - Censure Radikal aux Pays-Bas


    Peacefire contre CyberSitter
    Contrôle d'accès et abus de pouvoir

    Une querelle pleine d'enseignements a opposé un fournisseur de logiciel de censure individuelle de sites Internet et une association de jeunes militants, justement présente dans les listes interdites. Ce qui remet en question le principe du "contrôle parental"

    Cartoon ci-dessus : Paul Gemperle / Planete Internet


    Face à face : CyberSitter, un logiciel d'auto-censure de sites Web, et Peacefire, une association d'adolesents américains qui luttent pour leur libre expression. Peacefire, qui compte une centaine de membres (15 ans de moyenne), a dénoncé publiquement le 7 décembre avoir fait partie de la liste interdite émise par Solid Oak Software, le fabricant du filtre technologique. Selon Bennett Haselton, 18 ans, fondateur de l'association, "les utilisateurs [de CyberSitter], en relevant leur liste de filtres, verront notre site bloqué au même titre que Playboy, Penthouse, etc.".

    CyberSitter a en effet des choix de sélection très stricts, comme de bloquer la National Organisation of Women, le site de Yahoo, qui affiche dans sa page d'accueil la catégorie "Gays & Lesbiennes", ou des communautés d'échanges comme The Well. Peacefire explique le feuilleton en détail. Et ne fait que donner des trucs de base pour faire des miroirs et contourner les filtres de CyberSitter.

    Brian Milburn, le président de Solid Oak, a prétendu que Peacefire "violait le copyright" et donnait la possibilité à des enfants de contourner ses filtres. Dans la foulée, ils ont demandé au fournisseur qui héberge Peacefire d'éliminer son client en le menaçant de poursuites judiciaires.

    Rappelons que ces logiciels dits de "contrôle parental" ont été conçu à l'origine pour permettre aux adultes d'exercer un choix sur l'accès de leurs enfants à l'Internet. Un choix calculé selon sa responsabilité morale. Il est clair qu'en faisant confiance à la technologie et à des lites noires dictés par la morale de vulgaires entrepreneurs, les parents n'exercent plus leur "contrôle".

    Le CPSR, une organisation américaine préoccupée par les dérives sociales de la technologie, a écrit une lettre de protestation à Solid Oak le 27 décembre.

    "Certains de nos membres ont chargés le coliciel CyberSitter, et vérifié que vous coupiez l'accès à la NOW ou au moteuir de recherche Yahoo. (...) Le fait que Peacefire publie une liste de sites déjà interdits par Cybersitter ne justifie en rien qu'il soit bloqué à son tour. (...) En bloquant des sites sur le sexe ou l'abus de drogue, vous risquez de filtrer des documents potentiellement importants, comme le sida ou la prévention contre la drogue".

    Vous pouvez protestez vous aussi en écrivant au PDG Milburn, ou au support de CyberSitter. Mais comme le rappelle Haselton, l'étudiant censuré, "La plupart des lettres sont renvoyées avec le message "This account has been configured to reject all messages on this topic..." -- ce compte a été programmé pour rejeter toute demande de ce type. Je pense que tout message avec "Peacefire" dans le sujet est rejeté. Alors n'oubliez pas si vous voulez leur écrire aussi!"


    P.S.- La Commission Européenne a soumis des propositions aux Etats membres et au Parlement sur le contrôle de l'accès au contenu des réseaux en ligne, avec de grandes réserves sur l'efficacité de ce systèmes d'étiquetage des sites, de type PICS, mais en a tout de même approuvé le principe.


    Crypto Feuilleton:
    Les notaires français enlèvent le bas; fuites à l'OCDE

    En pleine trève des confiseurs, Planète Internet publie sur son Web les pré-décrets sur le chiffrement préparés par le SCSSI. Le tout, rappelons-le, pour savoir dans quelles conditions les organismes "tiers de confiance" vont exercer.

    Pour les asoiffés, allez directement consulter le document ci-contre.

    Ces documents du SCSSI sont préparatoires, mais s'approchent beaucoup de la future règlementation. On peut par exemple resituer les contours des obligations et pouvoirs de chaque futur acteur -- l'Etat, le notaire, l'entreprise et le citoyen.

    L'Etat et le SCSSI
    * Mission d'agréer les produits de chiffrement acceptables sur le marché, produits qui devront prévoir la possibilité d'un sequestre des clés à confier aux notaires;
    * Donnera aussi l'agrément à une société pour exercer ce nouveau type de notariat; ne sera pas obligé de motiver sa décision en cas de refus;

    Le Notaire, l'agent tiers de confiance
    * Forme juridique assez large : nom personnel, SARL, SA, GIE, société civile, etc.
    * Chaque associé, gérant, membre de conseil, devra être "français"; comme la majorité du capital financier;
    * Sera soumis au secret professionnel, devra s'assurer de l'intégrité des clés en dépot chez lui (contre utilisation illégale);
    * Doit informer les autorités si un client ne respecte pas les règles;

    L'entreprise, cliente du notaire
    * Devra posséder des produits de chiffrements agréés par l'Etat;
    * Devra s'engager à coopérer avec le notaire;

    Le citoyen, ou l'association
    * Même si le dépot des clés ne sera pas obligatoire, chiffrer pour assurer une confidentialité sans passer par un notaire restera illégal;
    * Les systèmes aggrés seront plus couteux; et la logistique nécessaire au régime de sequestre des clés risque de décourager le citoyen lambda ou la moindre association, ONG, à protéger ses communications;

    Sortie prévue du "vrai" décret début 1997.


    Autres fuites à l'OCDE

    Des équipes internationales poursuivent leurs révélations sur les contours des négociations de l'OCDE pour aboutir à une politique internationale en matière de "chiffrement sous conditions".

  • En Australie sont publiés de larges extraits du document discuté du 16 au 20 décembre à Paris. C'est très dense, les détails sont parfois déroutants, mais incontournables pour ne pas perdre un cheveu des négociations.
  • En Autriche les mêmes documents sont mis en ligne, avec en prime quelques positions officielles.


    Court-circuits

    U2 victime de faux hackers -- et d'un vrai mensonge

    Tout, le monde a entendu parlé de l'histoire du groupe U2 qui s'est fait piqué sur l'Internet deux morceaux inédits de son futur album, Discotheque et Wake Up Dead Man. Le Sunday Times, le 17 novembre (repris 10 jours plus tard sans vérifier par notre vénérable Le Monde), écrivait que des hackers se seraient introduit dans les câbles reliant une QuickCam du studio de Dublin à un site Internet public, le tout pour voler des extraits de deux morceaux pour les jeter en pature de copie sauvage dans le cyberespace, en l'occurence un site basé en Hongrie.

    Histoire complètement bidonnée. Un fan des Pays Bas explique en détail comment le Times SAVAIT la vérité mais n'en a pas écrit un mot. Le fan en question a été interrogé par le Times.

    Quelle vérité? 1) L'album de U2 était prévu en novembre. 2) La filiale d'Island Records à Budapest réalise une vidéo cassette de promotion de 5 mn avec dedans des extraits des fameux morceaux. 3) Problème : la sortie de l'album est repoussée à mars 97! 4) Les morceaux sont encore plus inédits. 5) Trop tard : un hongrois a juste enregistré avec un simple micro les dits morceaux de la vidéo, les a digitalisé, mis sur son site, et voilà le travail.

    Ou est le piratage sauvage à cause du vilain réseau Internet? Evanoui dans les fils du téléphone. En plus, la qualité sonore, déjà altérée sur la vidéo, s'en ressent : c'est presque inaudible.

    Jugez par vous-même:
    Discotheque en RealAudio (41 ko)
    Wake up Dead Man en RealAudio (50 ko)

    Sur son site, le Hongrois aussi détaille l'histoire en racontant ce qu'il y a, à la seconde près, sur la cassette de promo. Navrant pour les amoureux de sensation forte!

    Avouez que c'est la meilleure de l'année.


    La crise Serbe dans l'age numérique

    Lisez le dernier bulletin MEME (Special du 28 décembre 1996) de David Bennahum, au sujet de la crise démocratique en Serbie. Bennahum a passé une semaine avec des démocrates à Belgrade, qui sont sur le point de créer une organisation de défense des libertés comme l'EPIC ou le CDT.
    Suivez aussi pas à pas l'état de la situation politique.


    Censure Radikal

    Un journal de gauche interdit en Allemagne, Radikal, et hébergé sur l'Internet à partir des Pays Bas, avait subit les injonctions de la justice pour bloquer sa diffusion en ligne. Echec, bien-sûr, mais la police allemande a décidé le 11 décembre de s'attaquer à la source, en arrêtant avec l'aide de leurs homologues holandais, les militants qui fabriquaient aux Pays-Bas la version papier du journal. Suivez l'histoire en détail ici ou .


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