lambda bulletin 3.04

3 Juillet, 1997

LA LOUPE : chercher dans les archives du bulletin


Sommaire:

La Cour Suprême et le Decency Act : Comment le CDA est à deux doigts de se faire une place dans la Constitution américaine

COURT-CIRCUITS
-> Chine : la fin du Tunnel?
-> Scientology Connection

Special Report:

L'hypertexte en guerre : Tim Berners-Lee inculpé pour complicité?

 


LA DEUXIÈME VIE DU DECENCY ACT

'ZONE CYBERSPACE',
and the CDA will be ok...

LIRE AUSSI:

La decision complête de la Cour Suprême (27 juin 97)
Selected Historic Decisions : archives
A propos du Premier Amendement


 


"Le CDA peut être appliqué de manière constitutionnelle dans certaines situations".

Ainsi peut-on résumer l'opinion du Juge Sandra O'Connor, un des deux représentants de la Cour Suprême américaine qui étaient prêts à donner leur feu vert à la fameuse loi sur la "décence des communications", le CDA, finalement invalidé le 27 juin par la majorité des juges. C'est en effet par un vote de 7 contre 2 que la haute juridiction américaine a déclaré le Communications Decency Act contraire au principe du Premier Amendement de la Constitution, celui régissant la liberté d'expression.

 

Derrière la décision irrévocable, applaudie par les principales organisations ayant mis en doute la validité de ce texte (l'ACLU, avec des dizaines d'autres groupes, avaient déjà gagné une bataille en juin 96), on peut trouver dans le réquisitoire contrarié de la Juge O'Connor l'essence des nouvelles lois risquant de mettre à mal les communications publiques et privées qui circulent en ligne, dans tous les recoins de l'Internet.

Pour la juge, rejointe dans sa décision minoritaire par le "Chief Justice", William Hubbs Rehnquist (ci-contre), le CDA n'était qu'une "tentative du Congrès de créer des "zones d'adultes" dans l'Internet." ... Nos précédentes décisions indiquent que ces "zones" peuvent être constitutionnellement fondées."

Trois décisions antérieures vont dans le sens du Premier Amendement, comme quoi aucune loi ne doit priver aux adultes leur droit à leur liberté d'expression ("rights of adults to obtain constitutionally protected speech"), et que le CDA aurait pour effet de "réduire les adultes à n'avoir accès que ce qui est fait pour les enfants" ("reduce[s] the adult population ... to reading only what is fit for children.")

Cette phrase a été elle-même extraite d'une décision de 1957 qui, comme deux autres antérieures, ont été invalidées pour l'absence claire de frontières entre ce qui est réservé à l'adulte et ce qui est indécent pour l'enfant - ce dernier ayant le droit constitutionnel d'être informé à "titre éducatif" d'éléments "indécents".

Pour qu'une loi puisse être clairement "compartimentée" (zoning law), la juge O'Connor rappelle que deux conditions doivent être remplies : le repère géographique et l'identification des personnes visées dans leur droit constitutionnel.

Rappel de trois décisions de la Cour qui a invalidé des "zoning laws" trop floues:

Mais le CDA pourrait rejoindre une jurisprudence de 1969, où la Cour avait autorisé l'État de New York à interdire aux libraires de vendre des magazines pornos à des mineurs, parce que la population adulte pouvaient trouver dans un kiosque à journaux l'espace "compartimenté" suffisant pour ne pas porter atteinte à leur droit d'accéder à ces revues (Ginsberg v. New York, 1968).

"Le monde électronique est fondamentalement différent", écrit la juge. "Le cyberespace reflète indéniablement certaines formes de géographie: salles de discussions, sites Web, par exemple, existent à des adresses fixes dans l'Internet. ... Mais puisque les utilisateurs peuvent [communiquer] sans révéler de leur identité ou leur age, il n'est actuellement pas possible de refuser l'accès à quelqu'un sur cette base." Et reconnait donc qu'en "l'état actuel de l'Internet", il était normal d'invalider le CDA.

Mais il s'en faut de peu pour que le cyberespace puisse enfin, aux yeux de Sandra O'Connor, se délimiter en "zones" : "le cyberespace diffère aussi du monde physique ... par sa malléabilité. Il est donc possible d'y construire des barrières pour le rendre ... plus malléable aux "zoning laws". Cette transformation est déjà en cours".

Et de citer les logiciels de contrôle parental ou tout autre moyen technologique capable de filtrer, de sectoriser les propos diffusés de manière électronique.

En VO dans le texte:

Et elle finit son speech par ces mots : "Le simple fait que le CDA interdit l'usage de propos indécent entre un adulte et un ou plusieurs mineurs, suffit pour que [le CDA] soit soutenu."

 
(pour lire la bio de Sandra O'Connor,
cliquer sur sa photo)

 

Il n'a pas fallu une demi-journée pour qu'une foule d'organisations puritaines (Morality in Media, Family Research Council, Focus on the Family, the National Coalition for the Protection of Children & Families et Enough is Enough) ne s'engouffrent dans cette brèche technologique pour réclamer une refonte du CDA sur la base d'un recours puissant à la morale logicielle. Clinton lui-même a affirmé qu'il renouerait les discussions pour développer une V-Chip, une puce anti-violence dédiée aux ordinateurs. Et le lendemain de la mort du CDA, une sénatrice démocrate de l'état de Washington déposait un projet de loi dans ce sens, le Child-safe Internet Act.

Mettre entre les mains de logiciels et de sociétés privées le sort de la morale des enfants n'a jamais renforcé le contrôle parental. Bien au contraire.

 


SHORT-CIRCUITS

CHINE : LA FIN DU TUNNEL ?

L'agence Reuter a révélé en juin le lancement plutôt discret du "premier magazine indépendant de Chine Continentale diffusé sous forme électronique". Il s'appelle Tunnel, disponible seulement en chinois, et le relais américain de cette opération se veut donc très discret sur ses collaborateurs. Le magazine serait fabriqué sur place, puis envoyé en moceaux aux Etats-Unis, là où est gérée la base d'abonnés.

Les fondateurs envoient leur message d'une adresse fictive, et indiquent que leur mode de diffusion utilise des systèmes de réexpédition anonymes pour brouiller les filtres mis en place par les chinois afin d'évincer les propos ou contenus subversifs.

La huitième édition du magazine, le 29 juin, était bien évidemment consacrée à la rétrocession à la Chine de Hong Kong.

A ce titre, l'ex-colonie britannique rentre donc aussi dans le giron des télécoms à la sauce PC. Le Monde du renseignement vient de révéler les noms des deux envoyés spéciaux de Pékin pour mettre de l'ordre dans l'anarchie des télécoms kongkongais. "L'objectif de Pékin et en particulier de sa Sécurité d'Etat (Guoanbu) est d'étouffer les moyens de communication qui risquent de propager des "idées pernicieuses" à Hongkong, et surtout dans le reste de la Chine", note la lettre confidentielle. Ma Yuzhen et Zeng Jianhui en sont les deux chevilles ouvbrières. Tous deux ex-patrons de la propagande au sein du Conseil d'Etat chinois, Ma (ancien ambassadeur à Londres), vient d'être nommé chef du service diplomatique chinois dans la Zone administrative spéciale. Zeng, lui, c'est le M. Internet de Pékin dans l'île. Ancien reporter de l'Agence Chine nouvelle (Xinhua), chargé de conseiller les dirigeants chinois sur l'outil, il "s'était rendu en juin 1996 à Singapour et à Hongkong afin d'étudier les meilleures techniques de contrôle du web, de filtrage des e-mails, d'établissement de firewalls, et de propagation des points de vue de Pékin..." Hong Kong fait déjà partie des 4 villes connectées au China Wide Web, l'intranet chinois qui sera finalisé pour 2000.

Tunnel est joignable aux adresses:
Abonnements & réactions: voice@earthlink.net
Contributions: tunnel@earthlink.net


SCIENTOLOGY Connection


Coup sur coup, encore deux occasions de parler de la Scientologie prise dans la Toile. D'abord Arnie Lerma, l'un de ses plus anciens critiques en ligne, perquisitionné à grand fracas en aout 95 par la secte, accuse le coup. Une partie de sa défense a été balayée par une cour de Virginie, le 17 juin dernier, et l'a condamné aux dépens à $19.500. Il est fauché et a créé un fonds de défense. Mais la question de fond semble encore subsister : la Sciento plaide l'atteinte à la propriété morale sur les textes qu'elle juge secrets, et demande à fermer les sites.

Rebelotte en France, où le "Secticide" de Roger Gonnet, ex-adepte français, a reçu en juin deux lettres de mise en demeure de l'avocate américaine Helena Kobrin. Le site web de Gonnet, dit l'avocate, reproduit des documents protégés par le copyright; il faut couper. Kobrin est à l'origine de la perquisition d'Arnie Lerma (photo ci-dessus extraite). Avocate attitrée du Religious Technical Center, la branche logistique de la Scientologie.

L'hébergeur Havas Online n'a pas jugé bon non plus de répondre aux invectives de la secte. Pour l'un de ses conseillers juridiques (Planète Internet, juin), "les textes mis en ligne étant systématiquement assortis de commentaires rédigés par notre abonné, on ne peut pas expressément parler d'infractions relatives aux droits d'auteur. Rien ne nous oblige à lui demander de retirer ces documents de sa page personnelle."



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