Brown bubbles of the Coca-Coca Company - Coke's business in Nazi Germany - From Berlin 1936 to Atlanta 1996

For Coke's Sake

-- Pour l'amour de Coke --

Au moment où les anniversaires se célèbrent à grandes bulles à Atlanta pour les 100 ans des Jeux Olympiques, Coca Cola, organisateur dans l'ombre de ces JO, était déjà très présent il y a 60 ans, lors de ceux de Berlin. Autre date que l'on a fêté à Atlanta : la victoire remportée en 1945, à la fin de la guerre, où Coca a joué sur les deux tableaux -- l'Allemagne ne sera pas un marché à reconquérir, puisque Coke n'a jamais quitté le sol allemand.

Les informations qui suivent sont extraites du livre For God, Country and Coca-Cola (Scribner's Sons / Macmillan, New York, 1993) d'un journaliste d'Atlanta, Mark Pendergrast. Une véritable biographie non autorisée, extrêmement bien documentée : il a réussi à avoir accès aux précieuses archives, en s'assurant la confiance de Phil Mooney, à l'époque archiviste en chef de la firme d'Atlanta. Ce qui lui a permis, notamment, de publier la fameuse formule secrète en fin d'ouvrage.

Au milieu d'un récit précis et minutieux --du sirop miracle du Dr Pemberton (1885) au raté du nouveau Coke (1984), en passant par la campagne anti-Coca des communistes français (1950's)--, Pendergrast a levé un grand voile sur l'activité douteuse de la direction américaine entre 1933 et 1946.

1/ Coca-Cola est devenu, à elle seule, une véritable "arme" de réconfort et de fierté pour les soldats américains, sur tous les théâtres d'opération.

2/ Dans le chapitre "Coca-Cola über alles", l'auteur montre que l'activité de la filiale allemande, fondée en 1929, n'a pas cessé au moment de l'entrée en guerre des Etats-Unis -- comme Coca-Cola l'a toujours affirmé -- et s'est même développée avec l'aide du Reich jusqu'à la fin des hostilités. La marque Fanta est ainsi née du blocus américain imposé au sirop de Coke à partir de 1941!


Coke, arme ultime de l'US Army

Woodruff, en 1923

Bob Woodruff en 1923, lorsqu'il prend le pouvoir dans la société d'Atlanta, après un beau travail d'influence.

  • Décembre 1941. En bombardant Pearl-Harbor, les japonais vont rendre un fier service à la firme d'Atlanta. Coke est déjà une boisson nationale, mais avec l'entrée en guerre des américains, elle va faire partie de l'arsenal. Un réseau dont se servira abondamment Coke dans sa stratégie marketing après la guerre.

  • Début 1942. De nombreux mémos sont rédigés par la fine fleur publicitaire de Coke sur "l'importance de la pause-repos dans l'effort de guerre". Des lettres de militaires "accrocs" à la boisson se multiplient.

  • L'armée donne à 248 employés de Coca-Cola un quasi statut militaire : les technical observers. Ils portent l'uniforme militaire, avec les lettres "T.O." cousues sur l'épaule.

  • Début 1942. Certains membres de Coke sont nommés dans des organismes militaires, comme l'Office of War Information, ou... le Sugar Board. Résultat : Coke sera exempté de rationnement sur le sucre -- comme en Allemagne, pour d'autres raisons (lire plus ci-contre).

  • La même année, l'armée va livrer du Coke en Australie, avant même d'envoyer des armes et des avions. Des usines d'embouteillages vont suivre dans toutes les bases militaires, de l'Islande aux îles du Pacifique. En Afrique, des pilotes vont risquer leurs vies pour ravitailler des usines Coke en panne de bouteilles.


    Illustration d'Žpoque

    "Félicitations : vous êtes le 100ème soldat que je prend avec cette bouteille. Vous pouvez la boire" (© Bill Mauldin, 1944)

  • En juin 1943, Eisenhower ("simple" général et chef des alliés en Afrique du Nord) envoie un câble très détaillé pour indiquer comment l'armée doit faciliter l'installation logistique de Coca-Cola "pour satisfaire", écrit-il "les 200.000 bouteilles de demande quotidienne" (lire plus bas). "Ike" deviendra bien évidemment un proche du patron de Coke Bob Woodruff. Y compris quand Eisenhower deviendra Président en 1952.
  • Avril 1945. Les troupes américaines pénètrent dans l'Allemagne dévastée. Sur leurs traces, suivent une petite troupe de TO. En pénétrant dans Essen, les militaires de Coke retrouvent l'homme qu'ils venaient chercher : Max Keith, le patron de la filiale allemande depuis 1936. Keith a réussi à faire survivre l'activité de Coke grâce à une collaboration fructueuse avec les nazis. A Atlanta, Keith est considéré comme un héros. Après une légère mise à l'écart, il reprendra les rênes de la filiale allemande à partir de 1949. La boucle est bouclée. (--> suite)
  • Coca-Cola GmbH über alles

    Max Keith, Coca-Cola GmbH

  • En allemagne, l'homme de main de Bob Woodruff, le patron spartiate de la Coca-Cola Company (photo de gauche), s'appelle Max Keith (ci-contre), rentré comme comptable dans la filiale d'Essen en 1933. Il en prendra les rennes en 1936, pour bons services rendus pendant les J.O. de Berlin. Ses méthodes de management, rapporte minutieusement Mark Pendergrast, ressemblaient à celles du Führer (qui adorait, comme il s'entend, la boisson). En témoigne la photo, Keith aimait à porter une petite moustache bienveillante.
  • Keith obtient d'emblée la confiance totale de Woodruff. Toujours en 36, Goring prend en charge un plan d'auto-suffisance et tend à décourager l'activité de sociétés étrangères. Woodruff intervient et négocie directement avec les nazis pour obtenir que le "concentré" de Coke (l'ingrédient numéro 1) puisse être importé. Coca-Cola GmbH est alors considérée comme une société allemande.

  • 1937, Düsseldorf. Première foire industrielle nazie ("Shaffendes Volk", ou Le peuple créateur). Coke en est une des pièces maîtresses. Son stand se dresse à côté de celui du Bureau de la Propagande.

  • Mars 1938. Le Reich envahit l'Autriche. Au même moment, Coke tient sa convention. Trois énormes swatika, la croix nazie, s'affichent derrière la tribune. Le traditionnel Sieg-Heil est scandé trois fois.

  • Septembre 1939. La guerre éclate. Keith et son adjoint, Walter Oppenhoff, s'immiscent dans les cercles du IIIeème Reich, grâce à des amis au ministère de la Justice : ils réussissent à être nommés à "l'Office de la propriété ennemie".

  • Keith et ses hommes suivent le Reich dans ses conquêtes : ouverture d'une filiale en Autriche en 1938, et en 1940 prise de contrôle des activités de Coca en France, en Italie, et au Bénélux.

  • Fin 1941, le vent tourne. Le sirop secret de Coca-Cola n'est plus autorisé à l'export par les américains. Mais Keith invente une nouvelle marque : Fanta -- 3 millions de caisses distribuées en 2 ans. Fanta sera exempté de rationnement sur le sucre. Et permettra à la filiale de Coca-Cola de poursuivre son activité. Comme l'a fait aussi la firme Ford, Coca-Allemagne va participer à l'effort de guerre nazi (usines et camions réquisitionnés, les bouteilles vont aussi servir de précieux récipients pour enfermer de l'eau gazeuse ou des médicaments).

  • Jusqu'à la fin de 1942, les stocks de Coca-Cola en Allemagne seront réservés aux militaires du Reich et aux hôpitaux pour "soulager" les blessés.

  • Les 43 sites d'embouteillages vont être bombardés jusqu'en 1944. Mais Keith continue de produire son Fanta dans des usines de fortune, en employant des criminels allemands, exclus de l'amée du Reich, mais aussi des prisonniers de guerre en travail obligatoire.
  • 1945. Hitler se suicide. La guerre est finie. Keith envoie un câble à Woodruff : "Coca-Cola GmbH est encore en activité", exulte-t-il. "Envoyez des consultants." Il sera entendu. Même s'il est mis à l'écart par les représentants de Coke qui veillent à relancer le business en Allemagne, en 1949 Keith réussit à convaincre le grand Boss, Bob Woodruff, de reprendre en main la filiale allemande. Fanta est toujours une marque déposée du groupe Coca-Cola.
     
    Max Schmeling, symbole aryen, roi du Coca ˆ HambourgDétail: l'ancien boxeur Max Schmeling (photo), présenté sans doute à ses dépens comme le symbole de la suprématie aryenne depuis les J.O. de Berlin, devient en 1957 le patron d'une usine d'embouteillage de Coca-Cola à Hambourg. La passion pour la petite bouteille brune mène à tout.
  • EPILOGUE

    Le Général Eisenhower (chef des alliés en Afrique) envoie à ses supérieurs américains son plan de guerre pour Coca. Télégrame du 29 Juin 1943 (en version originale):

    "On early convoy request shipment three million bottled Coca-Cola (filled) and complete equipment for bottling, washing, capping same quantity twice monthly.
    Preference as to equipment is to separate machines for installation in different localities, each complete for bottling twenty thousand bottles per day. Also sufficient syrup and caps for 6 million refills. Syrup, caps and sixty thousand bottles monthly should be an automatic supply. Monthly shipment bottles is to cover estimated breakage and losses. Estimate ship tons initial shipment 5 thousand. Ship without displacing other military cargo. Data available here very meager as to these installations and operations. Request they be checked by fully qualified sources and this Headquarters advised promptly recommended installation to meet the two hundred thousand bottle daily demand and when same can be shipped.

    Bilan : Pour les historiens, cette histoire de collaboration industrielle en temps de guerre peut sembler banale -- Ford, dans les mêmes conditions, et Renault en France y sont passés. Mais Coke était le porte-drapeau de l'orgueil américain -- orgueil militaire aussi et surtout.


    Toutes les images reproduites sont extraites du livre de Pendergrast.
    All pictures © Scribner's Sons Publishing, New York.


    Keywords : Coca-Cola - Coke - Olympic Games - Atlanta 96 - Berlin 1936 - Nazi war effort - 3rd Reich - US Army


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