entretiens
croisées

 L'accusation: McDonald's

Nous avons demandé à la filiale France de McDonald's de répondre à nos questions, ou de faire passer le message à une quelconque direction juridique. Notre interlocutrice du service de presse à l'air de connaître son métier: nous envoyons un fax. Dix jours plus tard: pas de nouvelles. Nous les relançons pour s'apercevoir qu'ils avaient enterré le dossier. Au téléphone, la chef du service nous dit en substance: "Mais pourquoi vous intéressez-vous à cette affaire? C'est pas votre domaine. Vous êtes un journal d'informatique! [NDA, Planète Internet à l'époque]. Je connais mon métier! J'ai travaillé à France 2!"
Après les courtoisies d'usage, elle nous apprend que le dossier est géré par la filiale britannique McDonald's UK. Re-fax à Londres. Une heure plus tard, un jeune homme à la voix charmante, répondant au doux nom de Mickael Love, est prêt à nous parler. ("Je connais mon métier", disait l'autre...) Bref, voici la position de McDonald's.


- Essayez-vous de taire les critiques, comme l'équipe de McSpotlight le dit?
- [Ce procès] est pour nous un moyen de faire sortir la vérité. Les accusations contre McDonald's [telles que les diffuse London-Greenpeace] durent depuis 10, voire 12 ans. Comment peut-on dire que nous avons voulu "taire les critiques"... Le procès, c'est le dernier recours [pour que la vérité éclate].

- Et que pensez-vous de la manière dont est couverte l'affaire sur le site Web McSpotlight? N'est-ce pas une nouvelle diffamation? Avez-vous tenté de les attaquer pour ce qu'ils publient sur le Net?
- Les accusations sont justement au centre de l'affaire. Elles font l'objet du procès. Mais mêmes si nous trouvions qu'elles relèvent aussi de la diffamation (libeless), nous n'avons aucun moyen de prendre des actions légales contre un quelconque site présent sur l'Internet.

- Et quand ils vous accusent d'utiliser les lois anti-diffamation pour réduire les critiques au silence, ou pour protéger les intérêts des riches et des nantis?
- Je vous l'ai dit : le procès est notre dernier recours. [Le groupe] aurait vraiment préféré éviter d'en arriver jusqu'au tribunal. Sur les personnes à l'origine de l'affaire, trois se sont désistés en reconnaissant que le tract était diffamatoire. En plus, London-Greenpeace n'a aucun lien avec Greenpeace [International]. Le groupe n'a aucun statut légal. Il a été impossible d'engager des actions légales contre la structure. Ainsi on a du attaquer les cinq individus.

- Que pensez-vous du fait que McSpotlight fait de l'argent en vendant des t-shirts sur votre dos?
- Je ne suis pas au courant. Mais je crois que cela participe au fait que les gens sont trompés.

- Ce procès, inévitablement, ne vous fait-il pas un peu de publicité?
- Encore une fois, depuis 12 ans, il y a eu assez de "publicité" sans que nous intervenions. Ca ne concerne pas la période du procès...

- Et que pensez-vous de leurs affirmations, comme quoi c'est la "libre expression" qui est en jeu?
- Nous pensons bien-sûr qu'il est important de préserver la liberté d'expression, mais il est de notre responsabilité [de faire éclater] la vérité. (...) Honnêtement, je n'ai pas parcouru entièrement leur site Internet. Mais par exemple, ils se servent des minutes du procès pour en tirer des citations en les sortant de leurs contextes. D'un paragraphe entier, ils en sortent trois mots...

- Et pourquoi McDonald's n'a pas créé un site Internet pour répondre aux critiques?
- C'est illégal au Royaume-Uni de commenter un procès en cours. Contrairement aux États-Unis... »

 La défense: McLibel Support Campaign

Entretien par e-mail avec la McLibel Support Campaign, le groupe de volontaires qui soutient le procès des deux activistes, à l'origine du déballage sur le Net.


- A qui appartient votre site?
- Le site McSpotlight n'appartient à personne de manière individuelle mais a été créé et conçu grâce à la coopération d'un réseau d'activistes du monde entier

- Comment est-il financé?
- Initialement, il n'y a pas eu de frais. Tout l'équipement et les heures de travail sont à titre gracieux. Les factures de téléphone et autres commencent à monter. McSpotlight appelle maintenant à la générosité et fait également du "merchandising" sur le site pour récolter des fonds.

- McDonald's a-t-il essayé de censurer votre site comme ils ont poursuivi Steel et Morris pour leur pamphlet?
- Non. Ils n'auraient d'ailleurs pas pu efficacement le faire: McSpotlight est copié sur des serveurs du monde entier, ce qui rend la censure impossible.

- Plus généralement, existe-t-il des lois empêchant une personne ou une association de publier ces accusations?
- Il existe des lois pour la publication de fausses affirmations. Les lois britanniques contre la diffamation peuvent être appliquées pour obtenir une injonction afin d'empêcher quelqu'un de publier des propos injurieux. Toutefois les accusations portées dans le tract ont toutes été prouvées devant un tribunal et de nombreux personnes présentes au procès pensent qu'il est peu probable que McDonald's essaye de poursuivre à nouveau qui que ce soit pour ces mêmes accusations.

- Les accusations contre McDonald's sont très offensantes. Vous avez des preuves?
- Il y a environ 20.000 pages de transcription des 280 journées de procès où les preuves des conclusions émises dans le tract ont été apportées.

- La vente de T-shirts ou de badges anti-McDo est-elle légale? Combien avez-vous gagné avec ce merchandising?
- La vente de T-shirts, etc. est un business entièrement légal. La McLibel Support Campaign vend ces articles pour réunir des fonds afin de poursuivre son action mais également pour subvenir à ses propres frais de fonctionnement (administration, frais juridiques).

- Que voulez-vous dire quand vous écrivez, "c'est le procès de la liberté d'expression"?
- Le procès McLibel concerne les droits des individus à s'exprimer franchement à propos du gros business. Si McDonald's remporte le procès, le "big business" sortira rassuré sur sa capacité d'utiliser son pouvoir et son argent pour faire taire les critiques. La liberté d'expression est un droit qui ne doit pas être perdu, la censure ne doit pas devenir l'apanage des multinationales.

- McDo est-il une cible spécifique et lucrative?
- Pardon, je ne comprends pas la question ou votre anglais. (...) Si vous avez voulu dire "Est-ce que McDonald's a été choisi parce que Helen et Dave pourraient se faire beaucoup d'argent?", alors vous n'avez rien compris à l'histoire.

- Bon. Alors pourquoi ne critiquez-vous pas Burger King, Kentucky Fried Chicken ou d'autres chaînes de fast-food?
- McDonald's est un symbole de toutes les chaînes de fast-food et du système capitaliste. Il existe peu d'autres compagnies internationales présentant un profil aussi élevé et sur lesquelles autant d'informations ont été récoltées. On peut lire dans la FAQ une liste de [nos] futures cibles (1)

- Comment Steel et Morris financent-ils leur procès? - Helen travaille à plein temps dans un bar et Dave touche des allocations. La défense est financée entièrement par des dons et par les opérations de merchandising. Les frais des avocats sont payés grâce à des dons publics. »

(1) En vrac, de Johnson & Johnson à Philip Morris, en passant par Nestlé, Unilever, Exxon ou Burger King. >Détails

LE FIN MOT DE L'HISTOIRE. -- Le procès depuis est arrivé à son terme, en juin 1997. Le tribunal a reconnu le caractère diffamatoire des tracts de London-Greenpeace, mais seulement sur certains points (les passages sur l'exploitation commerciale des enfants, la souffrance des animaux et la qualité sanitaire des produits ayant été jugé plutôt conforme à la réalité...).

LE VERDICT EN LIGNE:
http://www.mcspotlight.org/case/trial/verdict/verdict0_sum.html

 


lambda / arQuemuse
décembre 96 - réédition septembre 98
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