Flicage
de
proxymité

 

[FEED BACK:
REACTIONS et PRECISIONS->>
]

 

10 avril 1998. -- Le dernier bulletin relatait comment un filtrage actifs des accès pouvait s'exercer grâce à un serveur cache, créé à l'origine pour économiser le trafic IP. Le CNRS et les universités travaillent sur un projet de dimension nationale, en assurant les utilisateurs qu'aucun blocage ne sera effectué--on ne fera que "donner des priorités à certaines données".

Seulement voila, localement une université peut-être tentée de faire le ménage dans la discipline des étudiants, des professeurs et des chercheurs utilisant son infrastructure. Exemple à l'université de Franche-Comté (Besançon, Montbéliard, Belfort), doté d'un serveur proxy installé par le Centre de Ressources Informatiques (CRI) de l'université.

Le 18 février, une note de service de la direction de la bibliothèque universitaire avertit son personnel que l'utilisation du réseau doit se cantonner à "un usage professionnel", comme le précise une charte interne. "Le CRI signale des utilisations contraires à l'esprit de cette charte", poursuivait la lettre. "Les techniciens du CRI surveillent ce qui se passe sur le réseau et sont en mesure d'identifier les micros qui dérogent à ces règles."

Renseignement pris à la Bibliothèque, cette note s'inspirait directement de la présidence de l'université. Car entre-temps, selon le témoignage de chercheurs dont le labo est associé à la fac, les responsables ont décidé de rendre le serveur proxy obligatoire pour se connecter sur le web, "pour des raisons de sécurité" bien-sûr.

Mais fin mars, le directeur du CRI, dans un email collectif, décidait de retarder la procédure. "Suite a un certain nombre de problèmes soulevés pour la mise en oeuvre du passage par le proxy WWW, écrit-il, nous allons retarder la date d'obligation de l'utilisation du proxy".

Et de poursuivre en menaçant les usagers dans un courrier particulièrement descriptif:

"Pourquoi il est nécessaire de mettre en oeuvre un proxy :

"1- Une meilleure gestion de la bande passante, le point de sortie de l'université vers le monde extérieur est de capacité limité et coûte très cher, tant a l'U qu'a la région qui en finance une partie. L'utilisation du cache permet de réduire d'environ 50% la charge du point de sortie. De plus les pages déjà consultées sont immédiatement disponible (temps de chargement réduit pour l'utilisateur).

"2- Les statistiques de l'utilisation du Web, montre qu'environ 25% des accès concernent des sites a caractère pornographique, donc en totale contradiction avec le caractère professionnel du réseau (chacun s'y est engage dans la charte de bon usage). Il est légitime que les financeurs (Université+Région+Ministère) s'interrogent sur l'utilisation du réseau.

"3- Dans cette utilisation déviante, on estime a 5% la consultation de sites dont la nature peut avoir des implications pénales, pour l'utilisateur, pour les administrateurs du réseau et pour le président de l'Université, ce qui impose que chacun assume les responsabilités qui incombent a sa fonction."

Remarques qui ont jeté un trouble sur le bien-fondé légal de cette intervention. "D'ou tenez vous vos chiffres?", a par exemple apostrophé Serge Santi, maître de conférences au labo de phonétique. "Quelle est "la" définition de la pornographie. Celle de l'ordre moral? La votre? Allez vous vous consulter entre "inities"? (...) Des lois existent. Vous n'avez pas a vous substituer a elles. Si ce que vous dites est vrai, retenir des infos a ce sujet tombe également sous le coup de la loi!"

L'arbitraire d'un tel outil de filtrage/flicage fait craindre des dérapages sur le pluralisme au sein de tous les acteurs de la vie universitaire. Nous avons appris qu'un site, mis en ligne sur une machine personnelle mais utilisant les câbles de la fac, a créé des frictions par son contenu "irrévérencieux pour le chef de l'État". On peut se demander s'il va falloir répertorier tous les serveurs qui donnent accès aux logiciels piratés ou à d'autres lieux d'incitation à la débauche toxicomaniaque dès qu'une feuille de cannabis apparaît à l'écran.

"Je maintiens que la question primordiale dans cette affaire est de limiter au maximum les accès vers des sites ouvertement non-professionnels, comme le stipule la charte de Renater", explique au Lambda le vice-président de l'université de Franche-Comté, Bruno Legeard, lui-même prof d'informatique. Nommé seulement le 2 mars dernier dans l'exécutif, il reconnait pourtant que la question du caractère pornographique du contenu est délicate à trancher. "La 'pornographie' n'est certes pas interdite par la loi, mais notre objectif final est de favoriser le trafic lié à l'enseignement et la recherche. Alors filtrer ce type de données par le proxy n'est pas contraire à la charte. Avec le téléphone après tout, c'est pareil: les numéros vers l'international ou ceux de type 3668 ne sont pas autorisé partout à l'université. Mais notre volonté n'est pas de faire du filtrage sur la "moralité" du contenu..."

Transmis au CRI, qui a pourtant montré sa dextérité à pouvoir juger seul de la nature répréhensible des sites qui seront interdits par le proxy.

Serge Santi est parvenu courant avril à reccueillir le témoignage d'un collègue de l'université de Genève. Comme le dit lui-même l'interlocuteur, intervention "salutaire".

 

--

UPDATE: réactions, 4.02, 4.03

lambda / arQuemuse
avril 98
Réactions I Home